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Quand la 3D devient collaborative : l'exemple d'Aioli
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LB
10 janvier 2025

Présentation de l'outil

Aioli est une plateforme collaborative dans le domaine du patrimoine qui permet de regrouper les données produites par plusieurs acteurs tels que les archéologues, conservateurs, touristes… (MAP 2023a). Le but est de pouvoir promouvoir la photogrammétrie collaborative auprès du plus grand nombre en offrant une solution de calcul pour les acteurs et la possibilité d'annoter les numérisations effectuées pour tous les utilisateurs.

L'outil est employable aussi bien dans un contexte de recherche, avec des photographies prises en environnement et lumière contrôlés que dans un musée par les visiteurs eux-mêmes. Le but est également de pouvoir mettre à jour rapidement et pouvoir suivre l'évolution des états de surface des objets et documenter les dégradations qui pourraient être observées (MAP 2023b). L'outil est en réalité une forme simplifiée de BIM et un e tentative d'introduire ces outils dans le monde de l'archéologie, demandeuse de ce type de technologie.

Fonctionnement

Aioli utilise principalement la photogrammétrie pour enrichir les collections de données existantes. La technique de captation repose sur la prise de vue méthodique pour discerner des points remarquables similaires entre les photos prises, souvent des pixels colorés qui se démarquent particulièrement bien, pour limiter les erreurs lors de la suite du processus (Delevoie et al. 2012). Un nombre de photographies conséquent est nécessaire pour créer des paires d'image et pouvoir en déduire une profondeur grâce au principe de la parallaxe (Bayel 2023, p.17). La reconstruction 3D demande une grande quantité de ressources de calcul. Aioli permet de fournir une solution de calcul distante pour traiter toutes ces données et archiver correctement ces données brutes patrimoniales (Néroulidis et de Luca 2020, p.1). Il est également possible pour l'utilisateur de suivre les ajouts fait au modèle dans le temps, comme n'importe quelle plateforme participative.

Une fois le modèle calculé, le principal atout de la plateforme réside dans l'enrichissement et les annotations qui peuvent être faites sur le modèle. Dans le cadre de la restauration de l'"Arbre aux serpents", une numérisation a été entreprise ainsi qu'un enrichissement sémantique des résultats pour une utilisation postérieures par les professionnels de la Culture (Figure 1) (Ministère de la Culture 2023).

Numérisation par Aioli

Figure 1 : Annotation sémantique 2D/3D de l’ "Arbre aux serpents" de Niki de Saint Phalle avec la plateforme AÏOLI, Source : Ministère de la Culture 2023. 

Actuellement

L'outil est toujours en phase de test approfondis et n'est ouvert qu'à un public restreint, afin d'améliorer la plateforme. Des partenaires institutionnels européens l'utilisent déjà dans leurs projets de numérisation et de visualisation des données collectées, principalement en géomatique et archéologie. Il est également mobilisé dans le domaine de l'étude du bâti avec l'annotation du modèle obtenu pour en faire le relevé pierre à pierre et phaser la construction, comme le montre la figure 2. L'outil est alors utilisé comme BIM par les archéologues qui peuvent croiser la numérisation 3D, les plans et les observations issues du terrain.

Toutefois, l'outil n'a pas vocation à être utilisé sur le terrain directement, du fait du besoin d'une machine de travail pouvant afficher les nombreux polygones et une connexion internet stable. Or, l'électricité et la connexion sont deux ressources rares pour les archéologues et géomaticiens de terrain.

Annotations Aioli
Figure 2 : Analyse stratigraphique d'un bâtiment à Umm as-Surab, au nord de la Jordanie. Source : Piero Gilento, ACTECH, 2022.

Objectif affiché

Aioli a également pour but de démocratiser la numérisation 3D et intensifier son recours dans les analyses de conservation. L'objectif à long terme est de pouvoir donner accès aux visiteurs de musée qui pourront alors actualiser la numérisation 3D, proposer de nouvelles observations et aider à alimenter les couches d'interprétation et d'annotation des modèles. Cette fonctionnalité permettrait d'utiliser la 3D comme moyen poussé d'analyse des évolutions d'un objet ou d'un site dans le temps, donc d'avoir un suivi des altérations (MAP 2023a). Le but est aussi de disposer d'un outil d'aide à l'interprétation des objets pour le grand public, comme cela peut exister dans le domaine des études pariétales de la période paléolithique, illustré par la figure 3. Toutefois, l'idée est d'avoir quelque chose de davantage communautaire avec un calcul qui est pris en charge directement par la plateforme et qui ne demande pas de lourds investissements par les utilisateurs.

Releve grotte
Figure 3 : Annotation directement sur un modèle 3D dans Blender. Source : Barbuti et al. 2023

 Limites de l'outil

Bien que les objectifs annoncés soient prometteurs, l'outil est développé par phases et n'est pas encore disponible au grand public. De même, depuis les premières annonces et les premières démonstrations, le projet ne communique plus de nouveaux éléments sur l'avancée du projet. Les derniers articles de recherches datent de 2023 mais n'apportent pas de réponses sur l'avancée du projet ou sur une date d'ouverture à des testeurs, mêmes scientifiques. Il est donc naturel de se demander si les contraintes quant au cloud computing ne sont pas trop importantes, tout comme le stockage de versions de modèles. Les premiers essais au niveau européen n'ont pas encore été complètement publiés et tous les aspects de la plateformes ne sont pas clairement définis.

Également, des questions subsistent toujours sur les moyens de modération et de contrôle des annotations de documents qui pourront être mis en place par la plateforme. En effet, bien que cette plateforme soit communautaire, il faut trouer un moyen de classer les informations de qualité et de mettre en avant les relevés validés par la communauté scientifique.

Bibliographie

Barbuti, Priscilia, Oscar Fuentes, Stéphane Konik, et Geneviève Pinçon. 2023. « Le relevé interdisciplinaire d’art pariétal paléolithique en trois dimensions : intérêt, méthode et premiers résultats ». Humanités numériques, no 7 (juillet).  https://doi.org/10.4000/revuehn.3410. 
Bayel, Léo. « La numérisation 3D au service du patrimoine et de la recherche archéologique ». Paris 8, 2023.
Delevoie, Caroline, Bruno Dutailly, Pascal Mora, et Robert Vergnieux. « Un point sur la photogrammétrie ». Archéopages. Archéologie et société, no 34 (1 février 2012). https://doi.org/10.4000/archeopages.410.
MAP. « aïoli – Une plateforme d’annotation sémantique 3D pour la documentation collaborative d’objets patrimoniaux », 2023a. http://www.aioli.cloud/?page_id=2219&lang=fr.
MAP. « Aïoli – UMR MAP 3495 », 2023b. http://www.map.cnrs.fr/?portfolio_page=pavage-3-3-22-2-2-4-4-2.
Ministère de la Culture. « Pour une meilleure appréhension des questions de conservation et de documentation des œuvres grâce à la numérisation : le projet SUMUM », 08 janvier 2024. https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Sciences-du-patrimoine/Actualites/Pour-une-meilleure-apprehension-des-questions-de-conservation-et-de-documentation-des-aeuvres-grace-a-la-numerisation-le-projet-SUMUM.
Néroulidis, Ariane, et Livio de Luca. « Aïoli, une plateforme d’annotation sémantique 3D pour la documentation collaborative d’objets patrimoniaux ». In Xèmes Rencontres Internationales Monaco et la Méditerranée. Monaco, Monaco, 2020. https://hal.science/hal-02565205.

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